dimanche 24 avril 2011

2011, II : 2 - [matériaux, chantier]




bloc de masse morte poids de ciment dans le ventre il esquisse un mouvement
soleil dans le dos regard fixe droit devant de l’autre côté du fleuve
bloc de masse morte poids de silence il force la jointure des lèvres il grimace un sourire

vas-y fais-moi rire / vas-y laisse venir / vas-y allez souris / vas-y allez vas-y / fais un effort allez vas-y / vas-tu faire un effort enfin / allez vas-y / fais un effort allez / vas-tu finir enfin par / non

l’abandon ni l’obéissance ne se négocie en rajoute une couche grimace il maquille ses lèvres ses joues en rajoute que le corps social tout entier soit affecté de dépression ne l’aide en rien à déserter l’époque seul véritable abandon l’époque ne se déserte pas grimace jamais ne s’est senti autant de son époque depuis les bas fonds de la dépression jusque dans les cercles auxquels il donne voix connaît l’époque par là même où connaît sa morgue l’époque par la même où la parole quitte les cercles et se cogne au réel c’est-à-dire expérience du désert contre la morgue opération quotidienne quand le courage manque s’assomme d’alcool ça réveille pas tous les jours possible de fréquenter le pire ni de chacun ni de soi, or, l’abandon

laisse
laisse vivre
laisse
laisse passer
viens

à sa gauche à l’arrière de la voiture elle tend la main droite lui touche la cuisse le caresse le branle tandis que l’homme devant conduit fixent des yeux tous les 3 la route son tapis de fuite ils y vont le caresse va jouir le branle jouit aiment ça tous les 3 fixent des yeux la route il tient le volant sans serrer trop fort

il s’arrête devant une librairie fermée
il s’arrête devant un cinéma ouvert
il s’arrête devant une boîte aux lettres
il s’arrête devant un commissariat
il s’arrête devant une ancienne église transformée en lieu de sacre pour l’art exposé

il regarde les œuvres accrochées au mur
il regarde une jeune femme accompagnée de son père
il regarde une patinoire
il regarde une cathédrale
il regarde des corps qui tournent en rond sur la glace
il regarde des enfants glissant sur des toboggans
il regarde un tramway

laisse passer
viens
marchons encore un peu
ne rentrons pas déjà
viens
prenons l’air encore un peu
reste avec nous encore un peu
viens nous rejoindre
nous sommes là
n’aie pas peur imbécile nous n’avons pas plus de but à atteindre que tu n’en as
nous sommes là
viens
viens prendre l’air un peu avec nous
viens donc un peu respirer avec nous
viens sentir avec nous l’air du dehors
viens sentir avec nous la fraîcheur du dehors